Fécondité et migrations africaines : les nouveaux enjeux
Dans quelle mesure la poussée démographique des
peuples démunis plonge-t-elle dans l'angoisse les pays du Nord qui se sentent
peu enclins à renoncer à leurs privilèges ? Plus précisément dans une planète où
richesse rime avec vieillesse, l'Afrique est-elle une menace pour les pays
riches ? Dans l'état de guerre du fort au faible, le risque de procréer, d'aller
et venir est un secteur stratégique qui exige la plus haute surveillance. Cet
ouvrage renouvelle les questionnements incontournables sur les rapports entre
population et sécurité en ce début du nouveau siècle. Les hommes et les femmes
du Sud,, par leur existence même portent atteinte à la sécurité des pays
riches.
Jean-Marc
Ela et Anne-Sidonie Zoa, Fécondité et migrations africaines : les
nouveaux enjeux, l’Harmattan, Paris, 2006, 356 pages.
Note de lecture publiée par
Mutations (Yaoundé, Cameroun), le 12 novembre 2006
Quand la démographie africaine affole
l’Occident
Dans leur dernier essai (Fécondité et migrations africaines :
les nouveaux enjeux) publié chez l’Harmattan, Jean-Marc Ela et Anne-Sidonie
Zoa révèlent les enjeux du « système de sécurité » que l’Occident est
en train de se constituer. À en croire les deux sociologues, ce système vise
principalement l’Afrique, un continent dont la « vitalité démographique »
inquiète le monde riche confronté lui au déclin de sa population. A lire de
toute urgence.
« Le
système de sécurité que l’Occident s’est constitué à l’échelle planétaire après
sa victoire sur le communisme est mis en cause par les peuples en haillons qui
suscitent toutes les inquiétudes » écrivent les deux auteurs. Et cette
mise en cause est l’autre versant de la peur que suscite l’Afrique en Occident.
L’Afrique où les naissances sont plus fréquentes qu’ailleurs dans le monde fait
peur, très peur, d’autant que les africains, souvent jeunes, semblent se lancer
à l’assaut de l’Occident. C’est du moins ce dont témoignent les médias du monde
(occidental) ces derniers mois en particulier, eux qui racontent inlassablement
le face à face quotidien entre migrants africains tentant de gagner l’Occident
par l’Espagne ou l’Italie et les gardes frontières de ces pays, chargés de les
en dissuader.
Face
à ces intrépides africains rêvant de paradis au-delà des mers, l’Occident
développe toutes sortes de stratégies de dissuasions et de contrôle. De l’étape
de l’obtention des visas à celle de l’intégration (lorsqu’ils ont réussi à
gagner l’Occident), en passant par celle des traitements infligés dans les
aéroports. Pour un africain, obtenir un visa vers l’Europe ou l’Amérique,
franchir une frontière c’est courir le risque d’une terrible humiliation. Enfin
s’installer en Occident, s’y intégrer n’est pas simple non plus. Tout cela
Jean-Marc Ela et Anne-Sidonie Zoa le rappelle, exemples à l’appui, avec un
réalisme qui emporte la conviction sur l’existence de politiques concertées.
C’est
que, expliquent-t-ils, la fécondité et les migrations africaines sont une
menace plus sourde, mais bien plus terrifiante encore pour le monde occidental
que la montée du terrorisme islamiste. Elle est un des « enjeux
souterrains de la sécurité », ainsi que le rappelle les nombreuses
réunions et forums des ministres européens sur la question de l’immigration
illégale ces dernières semaines.
Pourtant,
les auteurs le rappellent également, les débats sur les migrations et
l’explosion démographique en Afrique et sur les risques que ces questions font
courir au monde occidental, se déroulent dans un contexte où les phantasmes
prennent souvent le pas sur la réalité. En témoignent les termes utilisés pour
évoquer l’apocalypse la démographie africaine : explosion, boom,
apocalypse... Des mots qui non seulement ne rendent pas justice à la réalité
(l’Afrique est en réalité sous peuplée et ses migrants vont davantage ailleurs
en Afrique qu’en Occident). De plus, ils imposent un état de peur, propice il
est vrai aux politiques les plus rétrogrades.
Certes
il est vrai, si la démographie africaine fait peur en Occident, par sa vitalité
et son dynamisme, c’est que celle des pays du Nord fait peur elle aussi, pour
des raisons opposées. L’Occident constitue « un peuple de vieux ».
Les berceaux y sont vides et les asiles de vieillards pleins, analyse Ela. Un
phénomène inquiétant pour son futur puisqu’on s’achemine, si l’on en croit les
deux sociologues, vers sa marginalisation.
Face
donc à cette éventualité qui désormais semble soulever la levée des boucliers, il
y a pourtant une solution : le mieux être réel des africains. Il faudrait « réinvestir
dans l’humain » et non tenter de « contrôler la fécondité et les
migrations africaines » ; développer et non « supprimer les
pauvres en vue de supprimer la pauvreté ». D’autant que, concluent les
sociologues, dans un monde où les migrations font partie du quotidien, il faut
apprendre à vivre avec l’autre, car de cette cohabitation naît un
enrichissement, forcément.
André-Michel Essoungou
Jean-Marc
Ela et Anne-Sidonie Zoa, Fécondité et migrations africaines : les
nouveaux enjeux, l’Harmattan, Paris, 2006, 356 pages.